17
juin 2019
La grève dans les services d’urgence prend de l’ampleur. Partie
il y a trois mois d’un hôpital à Paris, elle touche maintenant
une centaine d’établissements dans toute la France.
La situation y est désastreuse parce que le manque de personnel et
de moyens est criant et parce que, comme dans tout le reste de la
société, c’est la course à la rentabilité qui dicte sa loi.
Travailler en permanence en sous-effectif, tous les travailleurs
connaissent ça : sur les chaines de montage, dans les ateliers
de production, dans les bureaux, dans la grande distribution… C’est
aberrant car il y a des millions de chômeurs. Mais dans les
hôpitaux, c’est criminel. C’est le symbole du pourrissement de
la société que d’avoir introduit la concurrence, en clair la
recherche du profit, dans le domaine de la prise en charge des
malades et des personnes âgées.
Depuis plusieurs dizaines d’années, les gouvernements ont démoli
le service public de la Santé en y imposant des critères
financiers. Ils ont ouvert les hôpitaux aux intérêts privés.
Ceux-ci se sont jetés sur ce qui pouvait leur rapporter, et le
reste, l’État l’a laissé dépérir. Alors, les hôpitaux
publics se sont endettés et leur dette, qui a atteint 30 milliards
d’euros, est désormais une des causes de la pression à la
rentabilité.
À cela s’est ajouté le fait que les services d’urgence sont
devenus de véritables asiles des temps modernes qui croulent sous le
poids de la misère croissante de la société.
Aujourd’hui, ils accueillent deux ou trois fois plus de monde que
ce que leur capacité permet. Alors, on met deux malades dans un même
box, séparés par un simple paravent, ou bien sur des brancards qui
s’accumulent dans les couloirs où ils doivent attendre parfois 5
heures ou plus.
En décembre dernier, dans un service d’urgence d’un hôpital
parisien, une femme de 55 ans a été retrouvée morte au petit matin
après avoir été amenée la veille en fin d’après-midi par les
pompiers. Le personnel ne l’avait pas prise en charge parce que,
ayant perdu connaissance, elle n’avait pas répondu à l’appel. À
cause de la surcharge de travail, les soignants n’avaient pas pu
faire le tour de tous les malades présents et ils avaient cru
qu’elle avait quitté les urgences. (cliquez pour lire la suite)
Les gouvernements ont prétendu que la privatisation des services
publics améliorerait les choses car elle ferait baisser les prix. Au
bout du compte, dans la Santé, à la SNCF, à EDF ou à la Poste,
des industriels et des financiers s’en sont mis plein les poches et
les services publics se sont décomposés.
Après trois mois d’une contestation qui n’a fait que s’élargir,
la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, en bonne politicienne
arrogante, reste droite dans ses bottes. Elle propose une enveloppe
de 15 millions d’euros pour renforcer les effectifs uniquement
durant l’été. Selon les grévistes, qui affrontent jour et nuit
les drames des urgences, il faudrait embaucher au moins 10 000
personnes.
Les grévistes revendiquent aussi une augmentation de salaire de 300
euros pour tous. À l’hôpital comme dans toutes les entreprises,
les salaires n’ont pas suivi l’augmentation du coût de la vie.
Les aides-soignants sont embauchés à peine au dessus du SMIC. Et
une infirmière parisienne, militante du mouvement, expliquait à la
presse, qu’avec presque 10 ans d’ancienneté, son salaire hors
primes était de 1 589 euros brut.
Buzyn a concédé une prime de 100 euros par mois. Elle l’a
justifiée en donnant pour raison que le personnel des urgences avait
à faire face à des « citoyens agressifs » et à des
« incivilités ». Elle cherche évidemment un prétexte
pour circonscrire cette prime aux seuls personnels des urgences alors
que les salaires sont tout aussi bas dans les autres services
hospitaliers. Mais au passage, elle fait aussi la leçon aux malades.
Car pour les responsables politiques comme Buzyn, si la situation est
devenue catastrophique, ce serait la faute des malades qui se
comporteraient mal ou viendraient trop souvent se faire soigner, ou
celle du personnel hospitalier qui n’aurait pas assez le « sens
des responsabilités », comme l’a sous-entendu le premier
ministre Édouard Philippe.
Le sens des responsabilités, les aides-soignants et les infirmiers
l’ont justement, eux qui font face malgré la désorganisation due
à la course à la rentabilité orchestrée par des gouvernements
irresponsables. Ils en ont assez et leur combat est le nôtre.
Imp.
Spé. LO
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